Clochette | |
Les clochettes«clochette» in texte:Les cloches du soir commençaient à tinter; d’une rive à l’autre, elles se passaient gracieusement leurs jolies notes heureuses. La clochette du bateau, à l’annonce des stations, couvrait parfois ce concert lointain d’un rythme plus alerte qu’accentuait la voix du matelot prêt à jeter le câble d’abordage. Rien n’est émouvant, dans la nuit, comme l’éclat soudain de ces syllabes sonores évoquant des endroits renommés par leur beauté. Cette musique, dans un lieu si peu fréquenté, me parut endiablée. Elle chantait trop fort pour être naturelle, et surtout elle chantait un air si triste et si singulier, que ça ne ressemblait à aucun air connu sur la terre chrétienne. Je doublai le pas, mais je m’arrêtai, étonné d’un autre bruit. Tandis que la musique braillait d’un côté, une clochette sonnait de l’autre, et ces deux résonances venaient sur moi, comme pour m’empêcher d’avancer ou de reculer. J’en avisai un qui me paraissait plus raisonnable que les autres, et quand je fus auprès, je vis que ce n’était point le même gibier, mais bien le petit cheval maigre qui avait une clochette au cou, laquelle clochette, comme j’ai su plus tard, s’appelle clairin, en pays bourbonnais, et donne le nom au cheval qui la porte. Ne sachant rien des usances du monde où je me trouvais, ce fut par grand hasard que je pris le bon moyen, qui fut de m’emparer du clairin et de l’emmener, Tiennet, attache le clairin, car nous avons beaucoup d’autres bois avoisinant celui-ci, et je ne répondrais pas de la traîtrise de quelque loup. Déshabille les mules, elles ne s’éloigneront pas de la clochette; et vous, mignonne, aidez-moi à faire le feu, car l’air est encore humide, et je suis d’avis que vous ne preniez pas de rhume en mangeant bien à votre aise. Je prenais ces récits pour des faits véritables, et j’y trouvais un intérêt plus profond que dans les contes de fées; car, après avoir vainement cherché les elfes parmi les feuilles, les clochettes, les mousses, les lierres qui recouvraient les vieux murs, mon esprit s’était enfin résigné à la triste pensée qu’elles avaient abandonné la terre d’Angleterre, pour se réfugier dans quelque pays où les bois étaient plus incultes, plus épais, et où les hommes avaient plus besoin d’elles; nous n’avions entendu aucun bruit de pas sur le gazon du chemin; le murmure de l’eau dans la vallée était le seul bruit qu’on pût distinguer à cette heure : aussi nous tressaillîmes, lorsqu’une voix gaie et douce comme une clochette d’argent s’écria : « Bonsoir, monsieur Rivers; bonsoir, vieux Carlo ! Votre chien connaît ses amis plus vite que vous, monsieur. Il a dressé les oreilles et remué la queue quand je n’étais qu’au bout des champs, et vous, vous me tournez le dos maintenant encore. » La nuit vient, la vraie nuit d’étoiles; son recueillement peu à peu descend sur toutes les belles flèches dorées. Je reste l’unique promeneur, et les innombrables petites bougies, qui font grimacer les masques brillants des Bouddhas, achèveront de se consumer dans la solitude. Les rafales ont cédé la place à une brise tiède et régulière qui agite en symphonie d’ensemble les milliers de clochettes au son pur; une musique sans nom, qui semble jouée par des élytres d’insectes, plane au-dessus des pagodes d’or, au niveau de leurs pointes extrêmes, très haut en l’air, tandis qu’en bas, au fond de quelque tabernacle, des bonzes chantent des litanies à bouche close. Même là-haut, là-haut en plein ciel, le sommet de la pyramide souveraine est couronné d’une sorte de gigantesque chapeau-chinois, d’où les cloches et les clochettes éoliennes retombent en grappes, en grappes d’or, il va sans dire, et chantent aussi dans l’indéfinissable concert. C’étaient des gymontes-fierasfers blanchâtres qui passaient comme d’insaisissables vapeurs, des murènes-congres, serpents de trois à quatre mètres enjolivés de vert, de bleu et de jaune, des gades-merlus, longs de trois pieds, dont le foie formait un morceau délicat, des coepoles-ténias qui flottaient comme de fines algues, des trigles que les poètes appellent poissons-lyres et les marins poissons-siffleurs, et dont le museau est orné de deux lames triangulaires et dentelées qui figurent l’instrument du vieil Homère, des trigles-hirondelles, nageant avec la rapidité de l’oiseau dont ils ont pris le nom, des holocentres-mérons, à tête rouge, dont la nageoire dorsale est garnie de filaments, des aloses agrémentées de taches noires, grises, brunes, bleues, jaunes, vertes, qui sont sensibles à la voix argentine des clochettes, et de splendides turbots, ces faisans de la mer, sortes de losanges à nageoires jaunâtres, pointillés de brun, et dont le coté supérieur, le côté gauche, est généralement marbré de brun et de jaune, enfin des troupes d’admirables mulles rougets, véritables paradisiers de l’Océan, que les Romains payaient jusqu’à dix mille sesterces la pièce, et qu’ils faisaient mourir sur leur table, pour suivre d’un oil cruel leurs changements de couleurs depuis le rouge cinabre de la vie jusqu’au blanc pâle de la mort. 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